05/02/2020

Le marché des technologies de l’information marocain : Quelle Maturité ?

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Entant que praticiens des systèmes d’information, une question nous revient très souvent à l’esprit lorsque nous intervenons au Maroc entant que maîtres d’ouvrage ou maîtres d’œuvre sur des projets systèmes d’information: Sur une échelle de 1 à 5, à combien on peut estimer en moyenne la maturité des projets informatiques marocains ?


Difficile de donner une réponse unique. La variation de la nature et de la taille des projets, et la diversité des acteurs et des partie-prenantes sont des variables difficiles à fixer. Aussi, allons-nous nous intéresser à un « domaine de définition » bien précis : « Les projets système d’information orienté secteur public et réalisés par des sociétés d’ingénierie informatique marocaines »

Capability Maturity Model Integreted karaz ksw karazsinglewindow

Pour répondre à notre question nous nous inspirerons du modèle de maturité CMM-I (Capability Maturity Model Integreted) qui rappelons le, propose 5 niveaux de maturité pour qualifier les organisations œuvrant dans le domaine de l’ingénierie logicielle :

1- INITIAL : La réussite d’un projet et tributaire de la bonne volonté des partie-prenantes.
2- REPRODUCTIBLE : Une gestion de projet élémentaire est en place.
3- DÉFINI : Les activités de gestion sont documentées, normalisés et intégrés aux processus d’ingénierie.
4- QUANTITATIF : Des pratiques de mesure sont intégrés au processus d’ingénierie.
5- CONTROLÉ : Des pratiques d’amélioration continue mis en œuvre de façon systématique.

Pour y revenir à notre question, prenons un exemple assez représentatif d’un projet que nous avons mené avec une administration publique de la place et qui devait s’étaler sur 12 mois calendaires :

  • T0 : Gain du projet suite à un appel d’offre public basé sur un Cahier de Prescriptions Spéciales (CPS) qui est un copier/coller plus ou moins
    intelligent du CPS d’un projet ‘similaire’…
  • T0 + 4 mois : Emission de l’ordre de service. Le retard étant justifié par les procédures administratives nécessaires à l’affectation des budgets …
  • T0 + 6 mois : Livraison du document de cadrage suite aux différents ateliers de travail. Bien entendu, les personnes clés ne sont pas
    disponibles et les personnes présentes n’ont pas de pouvoir de décision …
  • T0 + 9 mois : Toujours aucun retour sur le document de cadrage. Pour le client, la lecture du document demande du temps et de toute façon ce
    n’est pas le plus important. Continuons…
  • T0 + 12 mois : Spécifications fonctionnelles et techniques livrées. Pour le client, chaque département doit valider sa partie. Ceci demande du temps, de la coordination et puis ça engage ! Donc pas la peine de fournir un retour officiel. Passons quand même à l’implémentation, c’est le plus important…
  • T0 + 15 mois : Livraison du système (Le lecteur se doutera bien que l’équipe de réalisation a lancé les développements beaucoup plutôt que ce que stipulerait le cycle en ‘V’). Bon, le client devra maintenant procéder à la recette…
  • T0 + 17 mois : Le système n’est toujours pas recetté. Pour cause, le client n’a pas d’effectif pour ça et de toute façon, c’est le prestataire qui doit faire la recette du système qu’il a développé… C’est connu !
  • T0 + 20 mois : Le sponsor du projet se pose la question : Mais pourquoi je n’ai toujours pas mon tableau de bord et mes statistiques en cliquant sur un bouton ?!

Il s’agit là malheureusement de l’histoire de la majorité des projets système d’information marocains. Etre aujourd’hui à moins de 30% d’avancement sur « Maroc numeric 2013 » n’est donc pas une surprise.
Avouons-le quand même, il y a -Dieu merci- des projets qui se passent très bien et donnent les résultats escomptés. Mais c’est rare. Il s’agit là typiquement du niveau « INITIAL » défini par la norme CMM-I : « La réussite d’un projet et tributaire de la bonne volonté des partie-prenantes »
Nous pouvons donc prendre le risque d’affirmer que le marché des systèmes d’information marocain est d’un niveau de maturité de ‘1’ sur une échelle de ‘5’.

À qui la faute et comment peut-on palier à ce manque de maturité ?

Les prestataires des technologies de l’information ont tendance à jeter toute la responsabilité sur les clients. Je dirais de ma part que la responsabilité est partagée entre 3 partie-prenantes : Le fournisseur, le client et le marché.
D’abord, les fournisseurs qui s’inscrivent très souvent dans une logique court-termiste. L’inexistence de barrières à l’entrée dans le domaine des technologies de l’information favorise malheureusement l’émergence d’une catégorie de fournisseurs non qualifiés et trop généralistes qui ne se conforment pas à l’état de l’art en la matière.

Ceci a un impact fatal sur la qualité, les délais et les budgets du projet et finissent par laisser chez le client un sentiment de manque de professionnalisme vis à vis des fournisseurs locaux.
Ensuite les clients, qui très souvent confondent l’achat d’un produit sur étagère avec l’achat d’un système d’information. Ils pensent ainsi que le projet fonctionnera tout seul sans qu’ils n’aient besoin d’avoir des compétences en interne pour suivre le projet et s’assurer le transfert de compétences.


Enfin le marché marocain qui par sa taille relativement petite et par sa défavorisation structurelle des prestataires locaux, ne permet pas l’émergence de fournisseurs locaux hautement spécialisés et capables d’intervenir sur des
problématiques pointues et exporter ultérieurement leur savoir-faire.

La maturité d’un marché quelconque nécessite, du temps, du travail et de la patience. Pour le cas particulier du marché des technologies de l’information
marocain et pour arriver à un niveau de maturité de 5, il faudra d’abord Capitaliser sur nos expériences pour pouvoir reproduire les succès (2- REPRODUCTIBLE), Normaliser les règles du jeu pour éviter l’arrivée sur le marché d’acteurs non qualifiés aussi bien du côté des clients que du côté des fournisseurs (3- DÉFINI), Disposer d’un observatoire national donnant des métriques précises et palier à la grande variation des prix (4-QUANTITATIF), enfin prévenir les dérives du marché en réadaptant constamment les règles du jeu aux évolutions économiques, organisationnelles et technologiques (5- CONTROLÉ).
Les niveaux 2 et 3 sont du ressors des clients et des fournisseurs locaux, c’est à eux qu’incombent la responsabilité de se « challenger » mutuellement pour réussir leurs projets. Il ne peut y avoir un vainqueur et un vaincu. Dans les projets systèmes d’information, ou bien on gagne ensemble ou bien on perd ensemble.


Les niveaux 4 et 5 par contre sont du ressort de l’état et des associations professionnelles. C’est à eux de mettre en place les instances et les mécanismes de régulation et de contrôle nécessaires, mais sans que ça soit des outils pour barrer l’accès aux marchés pour les fournisseurs ne faisant pas partie du ‘club’

Dans cet article :
Sur une échelle de 1 à 5, à combien on peut estimer en moyenne la maturité des projets informatiques marocains ?
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